Titre : Les gens sont méchants
Auteur : Riccardo Salavador.
Editeur :Kyklos éditions.
Nombre de pages : 260.
Quatrième de couverture :
Tous les couples traversent de mauvaises passes. Celui dont il est question dans ce roman n'en est déjà plus là. Les termes impasse, sans issue, cul-de-sac, voire coupe-gorge, seraient, en ce qui le concerne, plus appropriés...
Plutôt que de s'adresser à un conseiller conjugal ou de consulter un avocat, Hippolyte décide de régler le problème de manière directe et définitive.
Forcément, cela requiert quelques réglages, un plan précis et un scénario sans faille afin d'éviter tout démêlé avec la justice. Pas question pour lui de finir comme ces imbéciles imprévoyants, ces amateurs sans cervelle qui sèment des indices accablants sur les lieux de leurs crimes.
Mais sur le chemin du veuvage, Hippolyte ne s'attendait pas à croiser des gens vraiment méchants.
Mon avis :
Mon avis :
L'histoire commençait comme une œuvre de Dickens. Tout était négatif dans la vie du narrateur, de sa naissance à son arrivée à l’âge adulte. Comme il n'a reçu aucun amour, il n'a pu se construire normalement. Il me semble difficile de donner de l'amour quand jamais on en a reçu. J'étais pourtant déjà sur mes gardes (je ne me refais pas), car je me méfie des narrateurs à la première personne, forcément subjectifs, surtout qu'à moins que sa mère, décédée peu après, ou son père, qui l'a rejeté, ne le lui ai raconté les circonstances de sa naissance, il est peu probable qu'Hippolyte s'en souvienne avec autant d'acuité. Le répit, rencontré grâce à son mariage avec Lucille (Lumière, en latin) ne fut que de courte durée. Dommage que nous n’en sachions pas plus sur les véritables raisons de leur haine mutuelle.
J'ai ensuite basculé, avec bonheur, dans le roman policier, qui à mon sens serait forcément original puisque raconté par le futur meurtrier. Sauf que j'ai lu la page 38, et là, mon cerveau s'est emballé, ce qui est tout de même embarrassant. J'ai vu alors l'histoire non du point de vue d'Hippolyte, mais de celui de Lucille, et je me suis mise à relever des indices dont j'ai pu vérifier la pertinence lors du dénouement. Je me suis même demandé pour quelles raisons Hippolyte ne s'était pas questionné au sujet des soins soudains dont sa femme l'entourait. Il était sans doute trop obsédé par la conception et la mise au point de son plan, ou pas assez futé.
Ce plan reste néanmoins intéressant, tout comme la mise en exécution. J'ai beaucoup aimé l'ironie et l'humour noir de cette première partie. Pour un peu, j'aurai presque frémi avec Hippolyte lorsque des obstacles apparaissaient dans son plan. "Presque", car à aucun moment Hippolyte ne se montre touchant. Je me suis même demandé comment il était parvenu à avoir un ami sincère, comme Albert - sûrement parce que ce dernier n'a pas mesuré le cynisme de notre narrateur.
C'est après que l'intrigue se gâte. Dans la deuxième partie, j'ai eu l'impression de lire la mécanisation du crime. Hippolyte a perdu toute capacité de réflexion, sa seule réponse à ce qu'il interprète comme une menace est la suppression de la personne, presque par hasard, presque par accident, si ce n'est qu'Hippolyte devient de moins en moins performant à chaque crime. Au début, je trouvais intéressant de lire les méandres du raisonnement du narrateur, dans lesquels l'absurdité s'épanouissait pleinement. Pourtant, l'accumulation lasse. Les procédures d'élimination, variées, ne m'ont pas empêchée de ressentir un certain ennui, tant chaque meurtre devenait inéluctable et par la même, répétitif. Seul Kiki échappe à la terrible mécanique - théoriquement, il ne peut pas le trahir, et pourtant, il est à lui seul un des premiers indices de sa culpabilité, et il est l'un des seuls à le fuir.
Les gens sont-ils méchants ? Non : cette phrase a beau scander le roman comme un leitmotiv, je dirai simplement que le narrateur est méchant et qu'il projette sur chaque personne qui croise sa route sa propre haine de soi. Personne ne trouve grâce à ses yeux, chaque sentiment et chaque défaillance est exploitée par lui dans son propre intérêt, quand elle ne devient pas sujette à caution.
Je tiens à remercier les éditions Kyklos, le forum Partage-Lecture et son administratrice, Thot, pour ce nouveau partenariat.