édition Le livre de poche - 255 pages
Quatrième de couverture :
Le 31 octobre, les sorcières s'envolent sur leur manche à balai : c'est Halloween, la fête du potiron. "Savez-vous que j'ai eu l'occasion d'assister à un vrai meurtre ?" se vante Joyce, une fillette à la langue bien pendue, lors d'une soirée enfantine chez Mrs Drake... Elle en mourra.
Circonstance de lecture :
Ce livre est ma dernière participation au challenge Halloween organisé par Lou et Hilde , ma seconde participation au Le mois Fritissime , ma 38e participation au challenge God save the livre organisé par Antoni et ma vingtième participation au Challenge Agatha Christie organisé par George.
Mon avis :
Quel est le propre d'un bon auteur ? Celui d'oser s'aventurer dans des domaines que d'autres auteurs n'explorent pas. Agatha Christie met en scène un crime particulièrement horrible : Joyce, la victime, n'avait que 13 ans, et elle a été noyée dans la bassine qui servait à un des jeux d'Halloween. Le crime est abominable, de l'avis de tous. Il ne peut être que l'oeuvre d'un déséquilibré. Ils sont si nombreux ! Il ne se passe pas une semaine sans qu'un enfant innocent et imprudent ne disparaisse et ne soit retrouvé, mort, dans un fossé, dans une carrière, que sais-je encore ! Les hôpitaux sont vides, et l'Etat est obligé de libérer des malades qui errent en liberté. Ils ont parfois l'air tout à fait normal, et c'est ce qui est inquiétant. Ils peuvent ainsi duper leur victime. Effrayant, n'est-ce pas ? Si ce discours vous paraît étrangement proche de nous, c'est que nous l'entendons presque toujours de nos jours - et qu'il est très facile pour un assassin de sang-froid, doté d'un mobile, de se servir de ce préjugé, comme le prouve Agatha Christie dans son roman.
Autre cliché battue en brèche : "l'innocence de l'enfance". Joyce n'est à aucun moment un personnage qui nous est sympathique. Bien sûr, il est les précautions oratoires d'usage, elle n'était qu'une enfant, il ne faut pas dire du mal des morts, etc, etc... mais, comme le dit Hercule Poirot, p. 31 "Quand il s'agit d'un meurtre, il n'est jamais méchant d'expliquer ce qu'était la victime [...] C'est absolument nécessaire. La personnalité de la victime est la cause directe de bien des meurtres". Joyce apparaît comme une élève moyenne, qui ne se distingue en rien, si ce n'est dans sa propension à inventer des histoires et à enjoliver la réalité. Sa seule véritable amie semble être Miranda Bulter, fille de Judith Butler, amie de l'écrivain Ariadne Oliver, à qui elle a sauvé la vie lors d'un voyage en Grèce, lors d'un épisode où Ariadne s'est révélé l'émule de Stephen Mathurin, le héros de Patrick O'Brian. Ariadne a été si choquée par le meurtre de Joyce que c'est elle qui a contacté notre détective privé à la retraite.
Hercule Poirot est immédiatement intéressé par l'affaire, pour de nombreuses raisons. Un de ses amis, le superintendant Spence, a pris sa retraite dans le village où le crime a lieu. Il y vit avec sa soeur, dont le sens de l'observation n'a d'égal que celui de son frère - deux précieux alliés. De plus, cette région regorge de crimes, et si Joyce a réellement été témoin d'un meurtre dans sa jeunesse, Hercule Poirot n'a que l'embarras du choix. Serait-ce cette richissime vieille dame, passionnée de jardinage, tante de Mrs Drake chez qui Joyce a été tuée qui aurait été assassinée? Son testament a bien été falsifié, par cette jeune fille au pair d'origine étrangère, mystérieusement disparue, elle aussi. Serait-ce ce jeune homme au passé douteux, poignardé ? Cette jeune professeur, assassinée ? Non, Woodleigh Common n'est pas un village paisible ! Et si toutes ses affaires n'en formaient qu'une ?
Les références aux auteurs classiques (Shakespeare en premier lieu) et à la mythologie inscrivent l'intrigue dans le registre de la tragédie, j'aurai presque envie de dire "la fatalité", si Hercule Poirot n'était là pour empêcher un drame plus atroce encore de se produire.
Laissons cependant la tragédie la plus pure pour nous intéresser à la tragédie individuelle d'Ariadne Oliver, auteur de romans policiers à succès, et grande amatrice de pommes. Ce qu'elle a vécu en ce jour d'Halloween l'a dégoutée (à tout jamais ?) de ce fruit. Et Hercule Poirot ose la remercier pour cette affaire remarquable. Je laisse à Ariadne le mot de la fin :
"Et vlan ! Comme toujours, il faut que ce soit sur moi que ça retombe" !