Titre : La plume empoisonnée.
Auteur :Agatha Christie.
Editeur : France Loisirs.
pages 345 à 609.
Quatrième de couverture :
Le notaire, le médecin, la femme du pasteur ... tout le monde y passe. Et le doute s'insinue dans les esprits. Il n'y a pas de fumée sans feu... Pourtant les accusations portées par les lettres anonymes qui déferlent sur Lymstock sont tout à fait grotesques... A force de bombarder la petite communauté de propos aussi invraisemblables qu'ordurieurs, l'auteur des lettres finira bien par toucher juste. Et qui sait si un jour il ne déclenchera pas un drame ?
Mon avis :
Je quitte Miss Marple, en pleine convalescence, pour retrouver un narrateur qui n'est autre qu'un jeune aviateur, Jerry Burton, lui-même en pleine convalescence. Il n'a pas plus de chance que Jane Marple, puisque son médecin lui avait prescrit repos, calme, tranquilité... et tomber en plein affaire de lettres anonymes n'est pas nécessairement reposant, surtout quand on en reçoit une, puis deux et que celle-ci vise sa soeur Joana, en pleine convalescence elle aussi (peine de coeur).
Jerry et Joana Burton détonnent à Lymstock, dans cette communauté repliée sur elle-même, non parce qu'ils sont jeunes et londoniens, mais parce qu'ils apportent un regard neuf et exempt de préjugés sur les personnes qui les entourent. Ils découvrent avec étonnement certains usages anciens (la place des domestiques, notamment) et savent aller au-delà des apparences, un peu comme la femme du pasteur. Bien qu'ils aient du mal avec elle, à cause de son excès de franchise, ils ne sont pas si différents. Jerry, quand une chose ou une personne (surtout une certaine personne) lui tient à coeur, n'hésite pas à ruer dans les brancards et à dire ses quatre vérités, et tant pis si elles dérangent.
Je vais sans doute un peu vite en besogne, parce qu'avant d'en arriver là, il y eut un suicide, puis un meurtre, qui plonge la petite communauté dans la stupéfaction, puis l'affliction. La franchise de Jerry lui aura permis de se faire un ami, le docteur Griffith, le timide docteur Griffith. Ils partagent des méthodes de séduction hors-normes (que celui qui a déjà fait la cour à une femme en lui offrant une photo de foie malade se signale immédiatement) et une sincérité rafraîchissante dans ce village pétri de non-dits, encore imprégné de croyances ancestrales.
Fait rare dans l'oeuvre d'Agatha Christie, il est question de la condition féminine. Si Joana a la chance de mener une vie de dilettante, Force est de constater que le village permet de découvrir des femmes qui ont été sacrifiées à l'intérêt familial (les soeurs Barton ont servi leur mère toute leur vie, avant de mourir l'une après l'autre) ou obligées de sacrifiés leurs aspirations juste parce qu'elles étaient filles. Aimée Griffith s'en rappelle avec amertume, et si elle souhaite que la jeune Mégan fasse des études, c'est pour lui permettre d'être libre. Mégan, en effet, est issue d'une famille recomposée (le XXIe siècle n'a rien inventé) et elle fait tache dans l'image de bonheur parfait souhaité par sa névrosée de mère. Mégan, plus fine et plus intelligente que les villageois ne le pensent (à une exception près) le comprend très bien et donne toute sa mesure pour rester - quitte à se faire du mal.
Et Miss Marple ? Elle arrive presque à la fin de l'intrigue, tel un deus ex machina, permettant de relier ensemble tous les éléments de l'enquête et de démasquer le coupable. Il pourrait presque être félicité : n'étaient les deux cadavres qu'il a laissé derrière lui, il a apporté des changements bénéfiques à Lymstock.
D'autres enquêtes vous attendent sur le blog de George : link